Aspirine à faible dose : y a-t-il un risque d’anémie chez le sujet âgé ?

L’aspirine à faible dose est couramment utilisée dans la prévention primaire et secondaire de la maladie cardiovasculaire (MCV). Aux Etats-Unis, environ 50 % des sujets âgés prennent ce traitement préventif, mais cette proportion risque de diminuer à la lueur des recommandations actuelles qui tiennent compte de l’inefficacité de l’aspirine en prévention primaire dans les tranches d’âge élevées. Le risque hémorragique associé aux faibles doses d’aspirine a été bien évalué de manière globale, mais son impact sur le risque d’anémie chronique ou de carence martiale n’a pas fait l’objet d’une évaluation spécifique, notamment chez le sujet âgé qui est plus exposé que le sujet jeune à un tel risque. L’anémie dans les tranches d’âges élevées est en effet fréquente, souvent liée à un défaut d’apport en fer ou à des saignements occultes.
L’étude ASPREE (ASPirin in Reducing Events in the Elderly) est un essai de prévention primaire randomisé mené à double insu contre placebo, mené aux Etats-Unis et en Australie, qui a inclus 19 114 participants âgés d’au moins 70 ans ou plus (≥65 ans pour les Noirs et les Hispaniques) vivant au sein de la communauté. La concentration d’hémoglobine a été mesurée annuellement et les taux de ferritine trois ans après le tirage au sort.
Un peu moins d’hémoglobine et de ferritine dans le groupe aspirine
L’incidence (pour 1 000 sujets-années) de l’anémie (Hb <120 g/L chez les hommes et <110 g/L chez les femmes) a été estimée à 51,2 dans le groupe aspirine (100 mg/jour), versus 42,9 dans le groupe placebo, ce qui conduit à un hazard ratio de 1,20 (intervalle de confiance à 95 % IC, 1,12- 1,29). Dans le groupe placebo, les concentrations sériques d’hémoglobine ont diminué de 3,6 g/l en l’espace de 5 ans mais la variation était plus importante dans le groupe aspirine, soit 0,6 g/l (IC, 0,3 à 1,0 g/l) de plus dans le même laps de temps.
Chez les 7 139 participants qui ont bénéficié d’une surveillance de la ferritine, la prévalence des taux < 45 µg/l à la troisième année était un peu plus élevée dans le groupe aspirine, soit 13 % versus 9,8 % dans le groupe placebo. Sous aspirine, la baisse des taux de ferritine a été supérieure de 11,5 % (IC, 9,3 %-13,7 %) à celle observée dans le groupe placebo. Une analyse de sensibilité quantifiant l’effet de l’aspirine en l’absence d’hémorragie majeure a donné des résultats similaires.
L’aspirine à faible dose chez le sujet âgé est donc associée à une augmentation modeste du risque d’anémie et à une baisse des taux de ferritine, indépendamment de la survenue d’hémorragies majeures. Une surveillance périodique des taux d’hémoglobine mérite donc d’être envisagée, a fortiori quand tout prête à penser qu’un défaut d’apport en fer est probable, éventualité fréquente chez le sujet âgé. Il faut souligner que dans cette analyse post hoc des données de l’étude ASPREE, le diagnostic d’anémie n’a débouché sur aucun bilan étiologique, de sorte qu’il convient d’évoquer une association entre exposition à l’aspirine et anémie, le lien de causalité étant de fait difficile à établir.
Source : JIM