Comment l’Allemagne veut assurer son indépendance sur la production des vaccins à ARNm

Le gouvernement allemand prévoit un plan de 2,86 Mrds € et vient de signer un accord avec CureVac jusqu’en 2029 pour se réserver l’accès à 80 millions de doses de vaccins à ARNm. Ces derniers mois, les pays du monde entier, dont la France, s’organisent pour développer des capacités de production de vaccins à ARNm.
L’Allemagne avance sur son plan d’autonomie pour la fabrication de vaccins à ARNm. Le gouvernement allemand vient de signer un accord pour se garantir un accès aux capacités de production de CureVac. La biotech allemande développe des vaccins à ARNm contre le Covid-19 en partenariat avec le laboratoire britannique GSK. Après une période d’installation de deux ans, le gouvernement allemand aura accès à une capacité de production de 80 millions de doses de vaccins à ARNm, jusqu’en 2029 et en échange d’un financement annuel. Une réserve destinée à faire face à la suite de l’épidémie de Covid-19 ou à l’émergence d’une nouvelle épidémie.
Avec ce contrat, l’Allemagne veut s’éviter de futures frayeurs, alors que la situation géopolitique renforce encore les incertitudes liées à la logistique des produits de santé. Cet accord avec CureVac concrétise une précédente annonce du ministre allemand de l’Économie portant sur un plan global de 2,86 Mrds €, annoncé mi-mars 2022.
Un réseau d’industriels en Allemagne
Le plan repose sur une série d’accords avec des industriels impliqués dans la production de vaccins en Allemagne : BioNTech et Curevac, les plus connus, mais aussi CordenPharma et Wacker, qui fabriquent notamment les plasmides, précurseurs des ARNm et les lipides transportant l’ARNm. Wacker prévoit ainsi d’investir sur son site de Halle pour en faire un centre spécialisé sur les ARNm et va recruter 200 personnes.
L’entreprise va travailler main dans la main avec CordenPharma qui se consacrera à la formulation des nanolipides, au remplissage aseptique et au conditionnement des vaccins fabriqués à Halle par Wacker.
Enfin, IDT et Celonic, des sous-traitants de la production pharmaceutique, déjà dans le réseau de production du vaccin, seront également impliqués dans ce programme.
Alors que BioNTech/Pfizer et Moderna sont parvenus à acheminer sur le marché leurs vaccins à ARNm contre le Covid-19, CureVac a développé une stratégie alternative, associé à GSK.
CureVac et GSK planchent sur des vaccins de seconde génération
Depuis 2021, la biotech allemande a laissé tomber la course de vitesse sur le vaccin. Elle travaille à des vaccins à ARNm dits « de seconde génération ». Avec le laboratoire britannique GSK, CureVac souhaite aboutir à des vaccins plus efficaces, avec une réponse immunitaire plus importante, et surtout plus durable dans le temps. « Il est important d’avoir une innovation continue et des progrès dans le développement de vaccins à ARNm pour combattre l’évolution de la pandémie actuelle et pour élargir les possibilités offertes par cette technologie », souligne Klaus Edvardsen, le directeur du développement de CureVac.
Après une étude et des résultats positifs sur l’animal en novembre 2021, les deux partenaires viennent de lancer une étude clinique de phase I chez l’homme, avec des résultats attendus pour le deuxième semestre 2022.
L’accord avec le gouvernement allemand donne à CureVac une meilleure visibilité financière, alors que l’abandon de son premier projet de vaccin à ARNm avait suscité des interrogations sur le modèle économique de la biotech. Faute d’avoir connu la réussite de son compatriote BioNTech, CureVac vise le long terme. Et pourra compter sur son accord avec le gouvernement allemand pour sécuriser son outil de production. Les contrats de ce type se sont multipliés, ces derniers mois.
Le modèle de Moderna pour développer ses capacités
La biotech américaine Moderna, grande concurrente de Pfizer/BioNTech, propose un modèle de développement original. Elle multiplie les accords avec les gouvernements pour se créer un réseau de production partout dans le monde en échange de commandes sur ses vaccins.
Sans produit sur le marché avant la crise du Covid-19, la biotech doit rattraper son retard industriel. Elle peut compter sur l’appétit des différents pays pour se constituer des capacités stratégiques. Avec l’Australie, Moderna vient de finaliser un accord sur dix ans et va construire un site de production à Melbourne, prévu pour être opérationnel dès 2024. En août 2021, Moderna avait annoncé un futur site au Canada .
En Europe, Moderna s’appuie sur son réseau existant de sous-traitants et sur un partenariat privilégié avec la CDMO suisse Lonza.
La France mise sur Sanofi Alors que l’Allemagne s’appuie sur un réseau d’industriels, la France mise sur son champion national, Sanofi. Début mars 2022, le laboratoire français avait annoncé un plan d’investissement de 2022 à 2026, chiffré à 935 millions d’euros et destiné à « doter la France d’une chaîne de valeur complète et autonome sur la technologie ARNm, de la R&D à la production ».
Un investissement, aligné avec les objectifs du plan Innovation Santé 2030, qui comprend notamment la construction d’une nouvelle unité de bioproduction à Neuville-sur-Saône, dans le Rhône
Les gouvernements du monde entier continuent de s’organiser pour faire face à de futures crises. Si les commandes de vaccins avaient été négociées par l’Union européenne, c’est à l’échelle des pays, en France comme en Allemagne, et avec des stratégies différentes, que s’organisent désormais les politiques d’indépendance sanitaire.
Source : usinenouvelle.com