Une forme clinique émergente de pancréatite aiguë dans la Covid-19

Alors que la pandémie mondiale de coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS-CoV-2) se poursuit, de nouvelles formes cliniques de la maladie continuent d’émerger. Si le coronavirus est responsable de symptômes gastro-intestinaux et d’hépatite aiguë, un groupe de Wuhan avait rapporté une série de 9 patients susceptibles de présenter une pancréatite aiguë (PA) mineure sur la foi d’une légère hyperamylasémie. Des médecins anglais décrivent les premiers cas de PA sur des arguments plus solides.

Entre le 14 mars et le 30 avril 2020, 35 patients ont été hospitalisés pour une PA au Royal University Hospital de Liverpool. L’étiologie a été rapportée au SARS-CoV-2 chez 5 jeunes hommes adultes (âge médian de 42 ans) qui étaient en surpoids ou obèses (IMC médian 30). 

L’amylase sérique était élevée dans tous les cas (médiane 149 U / L), une TDM abdominale injectée a été utilisée pour confirmer le diagnostic. Il n’y avait dans aucun cas de preuve échographique de calculs biliaires lors de cette admission. Aucun patient n’avait de maladie cardiovasculaire connue.

À l’admission, les patients présentaient une hypertriglycéridémie médiane à 2,7 mmol/l et une hyperglycémie médiane à 10 mmol/l. Un patient avait consommé de l’alcool mais surtout n’avait aucun symptôme antérieur de nature pancréatique. Un patient était sous atorvastatine et sertraline sans symptômes de pancréatite antérieurs. Chez tous les patients, le scanner injecté a montré une stéatose hépatique transitoire modérée à sévère, qui a rapidement régressé chez les patients pour lesquels une TDM de suivi était disponible. Le schéma de l’inflammation pancréatique était également inhabituel chez ces patients : œdème pancréatique mineur sans nécrose pancréatique ou péri-pancréatique significative, avec une inflammation duodénale/péri duodénale distincte impliquant la deuxième et la troisième partie du duodénum. Ces données radiologiques s’accompagnaient de signes d’une profonde réponse inflammatoire systémique (1-2 critères SIRS [ Systemic Inflammatory Response Syndrome] à l’admission ; 2-4 après 48 heures) et une augmentation spectaculaire de la protéine C-réactive (médiane 31 mg/L à l’admission vs 485 mg/L après 48 heures). La PCR du SARS-CoV-2 était positive dans 2 cas, indéterminée dans un cas et négative chez les deux derniers patients où les signes pulmonaires classiques étaient retrouvés sur le scanner thoraco-abdominal.

Tous les patients ont été perfusés ; 3/5 ont reçu un traitement par insuline et/ou fibrates. La douleur abdominale a été prise en charge avec des opiacés et tous les patients étaient tolérants à l’alimentation orale à leur admission. Quatre patients sur 5 avec des résultats au scanner suggérant une pneumonie ont reçu des antibiotiques intraveineux à large spectre avec de l’oxygène à faible débit. Aucun n’a reçu de corticostéroïdes. Ainsi, tous ont été classés comme une PA modérée basée sur la seule présence aiguë de collections liquidiennes. Deux patients ont eu besoin d’une thérapie de remplacement d’enzyme pancréatique pour contrôler leurs douleurs abdominales et leur stéatorrhée, indiquant une véritable composante exocrine de leur maladie. La durée médiane de séjour a été de 14 jours.

5 jeunes patients avec une pancréatite sans cause connue et un tableau particulier

Le diagnostic de pancréatite aiguë nécessite deux des trois caractéristiques suivantes : une douleur abdominale compatible avec la pancréatite, une élévation de l’amylase/lipase sérique supérieure à 3 fois la limite supérieure de la normale et des résultats caractéristiques de l’imagerie.

Dans cette série de cas et dans le contexte de Covid-19, un phénotype émergent de pancréatite associe une stéatose hépatique transitoire, une légère inflammation pancréatique et duodénale distincte. Le score SIRS remplace actuellement celui de Ranson. Il est défini par la présence d’au moins 2 ou plus de critères suivants : température < 36 ou > 38 °C, fréquence cardiaque > 90 battements/minute, fréquence respiratoire > 20/minute, et leucocytes < 4 ou > 12 × 10 /L. La persistance d’un SIRS élevé au-delà de 48 heures est hautement prédictif de PA sévère, non retrouvé chez ces 5 patients, dont l’évolution a été favorable.

La publication de cas de PA s’inscrit dans un contexte pandémique ou 10/35 patients étaient porteurs du coronavirus. Les 5 autres patients présentaient des étiologies avérées sans rapport avec l’infection virale sous-jacente. Une démarche diagnostique classique s’avère indispensable devant toute PA avant de l’attribuer au SARS-CoV-2, dont la recherche est inconstamment positive. Le scanner pulmonaire permet alors de redresser le diagnostic. Les étiologies biliaire, alcoolique, médicamenteuse, tumorale ou auto-immune ont été éliminées dans les 5 cas retenus. Sur le plan métabolique, une pancréatite aiguë secondaire à l’hypertriglycéridémie n’a pas été retenue car elle est souvent associée à une maladie grave avec défaillance organique…

Dr Sylvain Beorchia

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