Du poisson une à trois fois par semaine pour la femme enceinte
Identifier très précocement durant la vie d’hypothétiques facteurs de risque cardiovasculaire peut mener à d’utiles interventions préventives. On sait que le poisson est une source alimentaire majeure en acides gras libres poly -insaturés à longue chaine ϖ-3, aux propriétés anti-inflammatoires connues. Sa consommation est associée à un meilleur état cardiovasculaire. Le poisson est malheureusement, aussi, une source habituelle de mercure, dont les effets délétères sont bien répertoriés. Ces notions sont validées chez l’adulte mais, à ce jour, on ignore si la consommation maternelle de poisson, durant la grossesse, est associée à une amélioration des facteurs de santé métabolique chez l’enfant. On ne dispose, également, que de peu de données, sur le risque d’une exposition au mercure durant la grossesse.
Dans le cadre du projet HELIX ( Human Early Life Exposome), N Stratakis et collaborateurs ont étudié l’association entre consommation de poisson et exposition mercurielle par la mère, durant la gestation et profil métabolique chez l’enfant. Ils ont aussi tenté de préciser leur impact sur les cytokines et adipokines et d’identifier les facteurs concourant à une augmentation des maladies métaboliques infantiles. Leur base de travail a été l’examen des données de plusieurs cohortes de naissance de divers pays européens, entre le 1 Avril 2003 et le 26 Février 2016. La population d’ensemble était constituée de 805 femmes ayant accouché d’un enfant unique, dont la consommation de poisson et l’exposition au mercure durant la grossesse avaient été suivies.
Pour leur part, le suivi cardio-métabolique des enfants a été réalisé entre le 1 Décembre 2013 et le 26 Février 2016. La consommation de poisson était établie à l’aide de questionnaires alimentaires spécifiques et classée en 3 niveaux : faible consommation (moins d’une fois par semaine), consommation moyenne (1 à 3 fois, suivant en cela les recommandations classiques) ou forte (plus de 3 fois par semaine).
Un meilleur profil métabolique pour l’enfant
Le taux de mercure a été dosé par spectromètre de masse dans le plasma maternel et dans le sang du cordon. Chez l’enfant différents paramètres ont été mesurés: circonférence abdominale, pression artérielle, taux de HDL cholestérol, de triglycérides, insulinémie, afin de calculer un score de syndrome métabolique, allant de -4,9 à +7,5, d’autant plus médiocre qu’il est élevé (ce score ayant été préalablement été validé par une étude européenne multicentrique).
Les taux de diverses cytokines et adipokines ont également été dosés chez l’enfant. Plusieurs covariables ont été prises en compte : âge maternel, niveau d’ éducation des 2 parents, indice de masse corporelle de la mère durant la gestation, parité, race/origine ethnique…Plusieurs analyses de sensibilité ont été effectuées en s’attachant à certains sous-groupes particuliers : faible niveau d’ éducation, diabète gestationnel, gain pondéral durant la grossesse, allaitement, qualité de l’ alimentation chez l’ enfant, polluants environnementaux…
L’âge moyen (DS) maternel, à l’inclusion ou la naissance, était de 31,3 (4,6) ans ; 49,7 % des mères avaient un bon niveau d’éducation, 53,7 % étaient multipares. Leur consommation moyenne de poisson hebdomadaire était de 3,7 (3,3) prises. Les femmes dont la consommation était la plus notable étaient, dans l’ensemble, plus âgées et possédaient un meilleur niveau d’instruction. Le taux de mercure plasmatique était à 2,5 (1,5- 4,2) µg/L, cette valeur étant faiblement corrélée avec la consommation de poisson durant la grossesse (Spearman r= 0 ,2). L’âge moyen des enfants, lors des explorations, était de 8,4 (1,5) ans, avec des écarts entre 6 et 12 ans ; 56,3 % étaient des garçons et l’immense majorité (91,2 %) blancs.
Pas de bénéfice avec une consommation plus importante
Comparativement à une faible consommation de poisson par la mère durant la grossesse, une consommation modérée de 1 à 3 fois par semaine a été associée à une diminution de 1-U du score de syndrome métabolique chez l’enfant (β = -0,96 ; intervalle de confiance à 95 % IC : -1,49 à -0,42 ; p< 0 ,001), après ajustement du taux de mercure et d’autres covariables. Aucun bénéfice supplémentaire n’a été observé pour une consommation plus importante, dépassant 3 prises hebdomadaires. Une concentration élevée en mercure chez la mère a été, de façon indépendante, associée à une augmentation du score de syndrome métabolique pour l’enfant (β = 0,18, IC : 0,01—0,34 ; p = 0,03 pour un doublement de la concentration en mercure). C’est la conjonction d’une consommation modérée de poisson et d’une faible exposition au mercure qui entraînait la diminution la plus importante du score de syndrome métabolique de l’ enfant (β= – 0,70 ; CI : – 1,33 à – 0,07 ; p= 0,03).
Une consommation modérée ou notable était aussi inversement associée à la valeur de la circonférence abdominale et de l’insulinémie de l’enfant, ainsi qu’à leur taux de cytokines et adipokines. Une analyse intégrée identifia un sous-groupe d’ enfant avec susceptibilité accrue au syndrome métabolique, sous-groupe avec faible consommation de poisson chez la mère et taux élevé de mercure, diminution du taux d’ adiponectine infantile, augmentation de la leptine, du Tumor Necrosis facteur α (TNF-α), de l’ interleukine 6 et 1β (IL6 et 1β). Les résultats initiaux ne varient pas selon diverses covariables telles que âge de l’ enfant, niveau d’ éducation ou diabète gestationnel chez la mère, style de vie, mode alimentaire ou encore exposition maternelle à divers polluants environnementaux.
Les données tirées de ce travail suggèrent que la consommation de poisson par la mère durant une grossesse, notamment une consommation de 1 à 3 fois par semaine, suivant les recommandations habituelles, est associée à une amélioration du profil métabolique chez l’enfant. Une aggravation est, a contrario, observée en cas d’exposition mercurielle élevée. Il est ainsi possible d’identifier des enfants à haut risque de syndrome métabolique. Les résultats de ce travail divergent sur l’impact du diabète gestationnel, non retrouvé ici mais apparent dans une étude danoise. Au plan physiopathologique, des travaux expérimentaux laissent à penser que les acides gras n-3 sont associés à une réduction des taux de TNF α, d’IL6 et de l’expression du gène IL-1β et que les acides gras ϖ -3, comme le mercure mais de façon inverse, modulent la sécrétion d’adipokines et les réponses inflammatoires.
Les points forts de ce travail tiennent à sa nature multicentrique, sur 5 pays européens, à l’utilisation de protocoles de recueil des données bien standardisés et à la…
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