Pour contrer la pandémie, un modèle ne suffit pas
Pour réduire la transmission du SARS-Cov-2 et la mortalité liée à l’infection, les autorités de tous les pays ont été obligées de prendre des décisions très rapides. Elles se sont basées sur des données issues des premières observations, qui étaient rares et contenaient de nombreuses incertitudes. La tâche n’était certes pas facile.
Pour fournir des informations sur la dynamique de transmission des maladies, prévoir leur propagation et établir les mesures pour les contrôler, des modèles mathématiques sont utilisés à la phase initiale des pandémies.
Mais ces modèles ne sont valables que dans la limite des paramètres qui sont pris en compte pour les alimenter. Or, des données fiables sont rarement disponibles dans le cas de nouvelles pandémies et les nouvelles données qui arrivent régulièrement du « terrain » obligent à revoir les résultats à mesure. Il est donc essentiel de pouvoir estimer comment le modèle utilisé est sensible aux changements des paramètres, pour éviter le risque de conclusions erronées qui peuvent avoir des conséquences majeures sur les décisions prises.
Abandon d’une stratégie
Un billet publié dans le Lancet illustre ce fait. Les auteurs rapportent que le 12 mars 2020, le gouvernement britannique décidait d’interrompre la pratique de tests à grande échelle et la recherche des contacts, affirmant que cette stratégie n’était pas valable au stade d’épidémie auquel était parvenu le Royaume-Uni. Cette affirmation s’appuyait sur les conclusions du modèle mathématique décrit par J Hellewell et coll ., estimant peu probable que ces mesures (tests et traçage) parviennent à maîtriser l’épidémie en moins de 12 semaines.
Or, un paramètre-clé de ce modèle était le délai entre le moment où une personne devenait symptomatique et son isolement. Deux délais médians ont été modélisés, l’un de 3,83 jours et l’autre de 8,09 jours, sur la base des données de l’épidémie de SARS-CoV de 2002 et sur des données de la première phase de l’épidémie de SARS-Cov-2 à Wuhan.
Qui a fonctionné dans certains pays
A peu près à cette même période, ont été mis en circulation des tests rapides, qui ont été utilisés en Corée du Sud et à Singapour : ils fournissaient les résultats quelques heures et rendaient plausible un délai médian de 1 jour entre l’apparition des symptômes et la mise en quarantaine (ce qui a été depuis confirmé par les travaux menés à Singapour).
Le modèle de Hellewell s’avère très sensible à ce paramètre du délai entre l’apparition des symptômes et l’isolement du patient. En utilisant ce modèle, les auteurs du billet démontrent que lorsque le délai de confinement passe à 1 jour, le modèle prédit alors que la probabilité de contrôler l’épidémie est de 80 %, avec un traçage des contacts de 30 à 60 %. Résultats qui suggèrent que la pratique massive des tests rapides, le traçage et l’isolement peuvent être des stratégies efficaces pour contrôler la transmission.
Les trajectoires de l’épidémie en Corée, du sud, au Japon, à Taïwan et à Singapour ont été très différentes de celles de la plupart des pays européens, avec notamment moins de décès. De nombreux facteurs propres à ces pays peuvent avoir contribué à ces différences, mais l’un de leurs points communs est d’avoir adopté rapidement une approche basée sur les tests, l’isolement et le traçage des contacts. Plusieurs de ces pays n’ont pas eu besoin d’appliquer le confinement tel qu’il l’a été dans les pays européens, ou alors bien plus tard au cours de l’épidémie, ou de façon plus ciblée (comme la fermeture des lieux de culte en…
Dr Roseline Péluchon
Pour en savoir plus rendez-vous sur : JIM