Boissons sucrées avec ou sans édulcorants…pas si soft !

La consommation fréquente de boissons sucrées non alcoolisées majore l’apport énergétique. Elle peut entrainer un gain de poids, voire une obésité, et par conséquent un risque accru de maladies cardiovasculaires, de cancer et de diabète de type 2. Le remplacement des sucres par des édulcorants à valeur calorique faible ou nulle a été proposé mais leurs effets à long terme en matière de santé restent mal connus. Plusieurs études, dont celle, conjointe, de la Health Professionals Follow up Study (HPFS) et de la Nurses’ Health Study (NHS) ont révélé qu’une consommation importante de boissons sucrées ou avec édulcorants artificiels était associée, aux USA, à une augmentation de la mortalité globale. Peu de travaux similaires sont, à ce jour, disponibles en Europe.

Étude EPIC

Amy Mullee et collaborateurs ont, de ce fait, analysé l’association possible entre consommation de boissons non alcoolisées, sucrées ou artificiellement enrichies en édulcorants et mortalité globale et spécifique chez les participants de l’European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition (EPIC). Celle-ci est une vaste cohorte européenne multi nationale qui a recruté, entre le 1 Janvier 1992 et le 31 Décembre 2000, 521 330 participants dans la population générale de 10 pays européens, dont la France, avec un recueil de données sur leur état de santé, leur mode de nutrition et leur mortalité. Le suivi, selon les pays, est allé jusqu’en Décembre 2009 ou Décembre 2013. Ont été exclus les personnes qui, au départ, présentaient un cancer, une cardiopathie, un accident vasculaire cérébral ou un diabète ainsi que ceux dont la prise d’aliments et de boissons non alcoolisées était restée imprécise. 

L’ensemble des données a été analysé entre le 1 Février et le 1 Octobre 2018. Le paramètre essentiel de l’étude était la consommation totale de boissons sucrées non alcoolisées et de celles sucrées artificiellement. Cette consommation était quantifiée en nombre de verres par jour, allant de moins de un verre mensuel à plus de 2 verres par jour (un verre équivalent à 250 mL). Plusieurs modèles multivariables ont inclus différents facteurs, dont la prise d’ alcool et de tabac, l’ indice de masse corporelle (IMC), l’activité physique, le statut éducationnel, les habitudes alimentaires…Pour chaque association possible ont été calculés les Hazard Ratios (HR) et les intervalles de confiance (IC) à 95 %, à l’aide de modèles de régression Cox multivariables, ajustés pour divers facteurs de risque.

A partir de l’ensemble de la cohorte EPIC 451 743 personnes (86,7 %) ont été incluses dans l’étude, dont 321 081 (71,1 %) femmes. La moyenne d’âge (DS) est de 50,8 (9,8) ans. Le suivi moyen est de 16,4 ans, variant de 11,1 ans en Grèce à 19,2 en France. Il y a eu 41 693 décès, dont 18 302 hommes et 23 391 femmes ; 43,2 % étaient dus à un cancer, 21,8 % à une maladie cardiovasculaire et 2,9 % à une pathologie digestive. Comparés aux faibles consommateurs de boissons sucrées (moins d’un verre par mois), les gros consommateurs (à plus de 2 verres par jour) étaient, dans l’ensemble, plus jeunes, plus souvent tabagiques actifs et plus actifs physiquement.

Plus forte mortalité chez les gros consommateurs

Toutes causes confondues, la mortalité a été plus forte chez les très gros consommateurs vs les plus faibles, le HR étant à 1,17 (IC : 1,11- 1,21 ; p = 0,001). Il s’établit plus précisément à 1, 08 (IC : 1,01- 1,16) pour les boissons sucrées et à 1,26 (IC : 1,16- 1,35 ; p < 0,001) pour les boissons avec édulcorants. Une même association est observée pour les 2 sexes, avec existence d’une courbe en J, non linaire entre consommation de boissons sucrées et mortalité globale. Le risque le plus fort s’observe pour une consommation dépassant 125 mL dans le cas d’une boisson avec édulcorants et 225 mL pour les boissons sucrées. Chez les sujets avec un IMC < 25, donc à poids normal, le HR est respectivement à 1,11 (IC : 1,03- 1,21) et à 1,27 (IC : 1,12- 1,47), selon le type de boissons, pour une consommation de plus d’un verre quotidien vs moins d’un verre mensuel. Globalement, l’association est plus forte en présence de différents facteurs de risque, tels qu’un IMC > 30. Elle ne varie pas selon les pays considérés.

Un lien a été également retrouvé entre consommation de boissons avec édulcorants et mortalité spécifique cardiovasculaire (principalement les cardiopathies ischémiques et les affections neurovasculaires), le HR (≥ 2 verres par jour vs moins d’un verre par mois) s’établissant à 1,50 (IC : 1,30- 1,78 ; p< 0,001). Par contre, tant les boisons sucrées que celles avec édulcorant n’ont pas été associées à un risque accru de cancer, particulièrement du sein ou de la prostate, bien qu’une association ait pu se dessiner avec le cancer colorectal (HR :1,25 ; IC : 1,01- 1,40). Une association a été décelée aussi avec les décès par pathologie digestive et, au plan neurologique avec la mortalité par maladie de Parkinson (mais non par Alzheimer). Tendant à valider tous ces résultats, une analyse négative ne retrouve aucune association entre prise de boissons sucrées et mortalité de causes externes.

Un lien entre mortalité cardiovasculaire et boissons avec édulcorants

Cette vaste étude européenne confirme donc qu’une consommation massive de boissons sucrées ou avec édulcorants est associée à un risque accru de décès, toutes causes confondues, dans les 2 sexes. L’association avec la pathologie cardiovasculaire n’est notée que pour les seules boissons avec édulcorants et celle avec la pathologie digestive que pour les boissons sucrées non alcoolisées. Dans la littérature, l’ingestion de ces 2 types de liquide avait été reliée à un risque accru d’obésité, de diabète de type 2 et de pathologie cardiovasculaire, les résultats de ce travail européen rejoignant notamment ceux de la HPSS/NHS et de la Women’s’ Health Initiative Study . Il est mis en évidence une relation en J, non linéaire, avec un risque majeur pour une consommation > 125 mL/j avec des boissons enrichies en édulcorants et > 225 mL/J pour les boissons sucrées. A contrario, le risque est minime pour un apport journalier < 50mL/j, ce qui peut être le résultat d’une causalité inverse, à l’instar de ce qui est observé en cas de consommation d’alcool, les participants malades tendant à se reporter vers les boissons non alcoolisées.

Préciser le rôle de l’IMC dans cette association est complexe car l’adiposité peut agir comme facteur associé et confondant. Ce travail tend, toutefois, à relativiser son impact car un lien avec la mortalité a été également retrouvée chez des individus à poids normal. L’ingestion de boissons sucrées pourraient agir par elles même, de par leur haut index glycémique, en élevant la glycémie et en menant à une insulinorésistance et à une inflammation.

Parmi les analyses spécifiques, une association positive a été   mise en évidence entre boissons avec édulcorants et mortalité cardiovasculaire, confirmant les résultats de l’HPFS/NHS et de la

Women’s Health Initiation. Dans ce cas également a pu exister une causalité inverse, les individus en mauvaise santé, obèses ou pré-diabétiques ayant pu diminuer leur consommation afin de minimiser leur gain pondéral mais d’autres mécanismes biologiques ont pu aussi intervenir. Les édulcorants induiraient possiblement une intolérance au glucose et le rôle de molécules telles que l’aspartame ou l’acésulfame potassique reste à préciser. De même, une association positive a été notée avec le risque de mortalité par maladies digestives, mais pour les seules boissons sucrées. De fait, l’hyperglycémie induite pourrait altérer la barrière digestive et favoriser le risque d’infections intestinales. 

En outre, le fructose, très utilisé dans les sodas, tendrait à augmenter la lipogenèse hépatique et favoriser l’apparition d’une stéatose hépatique non alcoolique. Point notable, dans ce travail et par opposition à celui de la HPFS / NHS, aucune association n’a été retrouvée avec la mortalité par cancer, en dehors d’une possible relation, à la limite de la signification, avec le cancer colique. Par contre, au plan neurologique, une association a été mise en évidence avec les décès dus à la maladie de Parkinson, mais sur ces deux derniers points, des études complémentaires restent indispensables.

Seulement une étude observationnelle

Ce vaste travail doit être associé à quelques réserves. C’est une étude observationnelle, donc sans qu’il soit possible d’établir un lien de causalité. Des biais ou des facteurs confondants résiduels ont pu exister. Surtout, l’analyse a porté sur la simple consommation de boissons sucrées et avec édulcorants à l’inclusion et non durant l’intégralité du…

Pour en savoir plus rendez-vous sur : JIM

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