Risque de transmission du monkeypox à l’hôpital : de l’importance de la décontamination des surfaces

Une étude allemande souligne à quel point il est important pour le personnel hospitalier de suivre les recommandations des mesures de protection contre le monkeypox. Cette mise en garde intervient alors que l’Organisation mondiale de la santé a indiqué vendredi 1er juillet que l’Europe compte plus de 4 500 cas de « variole du singe » confirmés en laboratoire, soit trois fois plus qu’à la mi-juin. On dénombre à ce jour 498 cas en France et 676 en Allemagne.
On sait aujourd’hui peu de choses sur la contamination environnementale de surfaces par le virus monkeypox (virus à ADN). L’objectif de l’étude était de quantifier le nombre de copies d’ADN du virus par centimètre carré de chaque surface analysée. Pour ce faire, les chercheurs ont procédé à un échantillonnage de surfaces dans des chambres d’hôpital occupées par des patients infectés par le monkeypox*.
Publiée le 30 juin 2022 dans la revue en ligne Eurosurveillance, l’étude a consisté à examiner systématiquement les surfaces de deux chambres d’hôpital occupées par des patients atteints de monkeypox, chacune équipée d’une salle de bain. Les chambres de de ces deux patients, maintenus en isolement, étaient séparées du couloir de l’unité de soins par des chambres adjacentes utilisées par le personnel hospitalier pour enfiler et retirer les tenues de protection individuelle.
Échantillon environnemental dans les chambres de patients
Les chercheurs du département de prévention et contrôle des infections de l’Institut de microbiologie, virologie et hygiène de Hambourg (Allemagne) ont déterminé la persistance du virus monkeypox sur divers types de surfaces lisses et planes, ainsi que sur des textiles, afin de quantifier le nombre de copies d’ADN viral par centimètre carré. Ils ont également échantillonné la surface d’un téléphone portable sur la totalité de l’écran, dans la mesure où, connaissant ses dimensions, ils pouvaient calculer la surface. La présence de l’ADN du virus monkeypox dans des échantillons environnementaux prélevés sur ces différentes surfaces a été détectée par un test PCR.
La présence de l’ADN du virus n’indique pas forcément qu’il y a possibilité de contagion, l’ADN pouvant persister en tant que résidu. En effet, pour être infectieux et donc contagieux, le virus doit être viable. Il importe donc de mettre les échantillons environnementaux au contact de cellules vivantes. Les virologistes ont donc cherché à isoler le virus en le faisant croître dans des cellules Vero (lignée cellulaire établie à partir de cellules de rein de singe) et à vérifier que l’infection entraînait des changements morphologiques dans ces cellules mises en culture (effet cytopathogène).
Les deux patients atteints de monkeypox humain étaient des hommes d’une trentaine d’années. Le premier patient présentait des lésions cutanées des régions anale et périnéale, des bourses (scrotum) et du pénis : érythème (rougeur), pustules, excoriations avec croûtes. Il était également porteur de plusieurs lésions isolées sur les jambes, la langue et la muqueuse buccale. Les lésions du second patient n’étaient présentes qu’au niveau de l’anus et de la région périanale. La charge virale la plus élevée a été détectée dans les prélèvements cutanés, le virus étant également présent dans les prélèvements oro-pharyngés mais en moindre quantité.
L’échantillonnage a concerné de nombreuses surfaces, telles que la poignée de la salle de bain (côté chambre), celle de la fenêtre et d’un placard, la surface de la cuvette des toilettes et d’une chaise, les interrupteurs électriques de la chambre et de la salle de bain, un écran de téléphone portable, le levier du robinet de la salle de bain, le bouton de la chasse d’eau, le bouton poussoir du distributeur de savon de la salle de bain.
Des échantillons environnementaux ont également été prélevés sur divers textiles, tels que le drap-housse, la housse de couette, la taie d’oreiller, une serviette posée sur le lit pour protéger les draps de lit, le gant de l’examinateur qui avait été en contact avec ces matériaux.
Il s’avère que toutes les surfaces en contact direct avec les mains des patients étaient contaminées, la quantité d’ADN viral la plus élevée ayant été trouvée dans les deux salles de bain. Le levier du robinet du lavabo de la salle de bain du premier patient était fortement contaminé (2,4 x 105 copies d’ADN viral par cm2). De même, dans les deux chambres, des charges virales élevées (1,3 x 105 et 1,3 x 103 copies/cm2) ont été détectées au milieu du rebord avant du siège des toilettes. Le siège des chaises les plus utilisées par les patients était également contaminé (1,4 x 103 copies/cm2). L’ADN du virus monkeypox a également été détecté, à raison de 1,5 x 102 copies/cm2, sur l’écran du téléphone portable du second patient.
Un niveau de contamination élevé, atteignant 105 copies/cm2, a été trouvé sur les textiles largement utilisés par les patients, en particulier sur la literie du premier patient sur le drap-housse (1.7 x 10⁶ copies par cm2), la housse de couette (2,3 x10⁵ copies par cm2), la taie d’oreiller (6,2 x 10⁴ copies par cm2), la chemise du patient (4,9x 10⁴ copies par cm2).
Immédiatement après avoir manipulé divers textiles, la face palmaire de la main droite gantée de l’enquêteur a été échantillonnée. Celle-ci était contaminée dans les deux chambres à hauteur de respectivement 2,7 x 102 et 7,9 x 103 copies par cm2.
Détection du virus monkeypox par culture cellulaire
Plus important, les chercheurs ont réussi à montrer que le virus était viable dans la mesure où il a pu être isolé dans trois échantillons prélevés dans la chambre du second patient, en l’occurrence sur le gant de l’examinateur, le levier du distributeur de savon de la salle de bain et sur la serviette de toilette qui se trouvait sur son lit. Chacun de ces trois échantillons renfermait au total plus de 106 copies du virus.
Dans l’antichambre réservée au personnel hospitalier, tous les points au contact avec les mains examinés se sont révélés positifs à la réaction PCR, indiquant qu’ils avaient été contaminés. Des traces d’ADN viral ont même été détectées sur la poignée extérieure de ces antichambres, donnant sur le couloir de l’unité de soins.
Comme le rappellent Dominik Nörz, Johannes Knobloch et leurs collègues, il a été rapporté que les Orthopoxvirus (genre auquel appartient le virus monkepox) demeurent infectieux dans des conditions sèches et à différentes températures. Ainsi, le virus de la vaccine (qui appartient au genre Orthopoxvirus) reste stable, sans perte de pouvoir infectieux, pendant 35 semaines à 4°C. Dans cette étude, les chercheurs ont réussi à isoler le virus monkeypox à partir de trois échantillons différents, chaque textile étant porteur au total d’au moins 106 copies du virus. Selon les auteurs, « des surfaces contaminées, avec de telles charges virales ou supérieures, sont potentiellement infectieuses et il ne peut être exclu que le virus puisse être transmis lors d’un contact, en particulier avec une peau endommagée ou avec des muqueuses ».
Les chercheurs insistent sur l’importance de respecter l’ensemble des mesures de protection vis-à-vis du monkeypox. « La désinfection régulière des mains et des zones de contact avec la peau au cours des soins, de même que le nettoyage régulier des chambres et la désinfection des surfaces avec des produits virucides, peuvent réduire la présence de virus infectieux sur les surfaces et donc le risque d’infection nosocomiale ». Et d’ajouter que des stratégies appropriées doivent être mises en œuvre dans chaque service afin de ne pas risquer une diffusion du virus en dehors de la chambre des patients. Il importe également de veiller à une stricte hygiène des mains du personnel après le retrait de la tenue de protection individuelle.
Masques FFP3 parmi les moyens de protection individuelle
L’Agence britannique de sécurité sanitaire (UKHSA) considère, dans un communiqué publié le 31 mai, que « l’équipement de protection individuelle minimum recommandé pour le personnel travaillant avec des cas de monkeypox confirmés comprend des masques FFP3 ajustés, des tuniques, des protections oculaires et des gants ».
Publié le 29 juin, le bulletin conjoint du Centre européen de prévention et de…
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