Anne-Laure Sellier-Leclerc, néphro-pédiatre, sur E. coli : « Ni lait cru, ni viande saignante jusqu’à 5 ans »

Anne-Laure Sellier-Leclerc, néphro-pédiatre, sur E. coli : « Ni lait cru, ni viande saignante jusqu’à 5 ans »

Anne-Laure Sellier-Leclerc, néphro-pédiatre aux Hospices civils de Lyon (Rhône), est l’une des spécialistes françaises de la maladie causée par la bactérie E. coli, le syndrome hémolytique et urémique (SHU). Elle déplore le manque de prévention auprès des familles et de formation des professionnels notamment de la petite enfance sur cette pathologie.

Pourquoi sonnez-vous l’alerte ?

Cette épidémie dramatique permet enfin de parler du SHU, cette maladie qui touche, chaque année en France, 150 enfants parmi lesquels un à cinq décèdent. En deux mois, nous avons eu la moitié du nombre de cas annuels. Nous voulons saisir cette occasion pour dire qu’en termes de prévention, beaucoup de progrès restent à faire. Chaque année, au CHU de Lyon, 25 à 30 enfants sont hospitalisés à la suite d’une contamination « classique » après avoir contracté une bactérie Escherichia coli (E. coli) à travers l’alimentation ou les eaux non traitées, comme celles des lacs. Et à chaque fois, les parents tombent des nues et disent qu’ils n’ont jamais été mis en garde sur les sources possibles de contamination.

Quel message adressez-vous aux parents ?

Ni lait cru, ni viande saignante jusqu’à l’âge de 5 ans. Cette bactérie résiste au froid, à la congélation. La seule façon de s’en débarrasser, c’est la chaleur. Il faut dépasser une température de 70 degrés, et maintenir la cuisson pendant une certaine durée. Trois minutes, ce n’est pas assez ! On recommande donc de cuire les steaks, surtout la viande hachée, à cœur et d’utiliser des produits à base de lait pasteurisé ou des fromages à pâtes cuites. En effet, la bactérie E. coli peut être présente dans les fromages au lait cru à pâte molle. De même, il est recommandé de bien se laver les mains avant et après avoir manipulé ce type de produits et de les ranger à part dans son réfrigérateur.

Quelles mesures réclamez-vous ?

Ce message de précaution alimentaire est en général bien délivré aux femmes enceintes. Mais les parents ignorent que ces recommandations (ni viande saignante, ni fromage non-pasteurisé) s’appliquent également chez l’enfant jusque 5 ans. Il y a un manque criant d’information et de formation des professionnels, qu’il s’agisse des médecins généralistes ou des pédiatres en ville, des personnels de crèche ou de PMI. Depuis près de dix ans, avec d’autres médecins de la Société de néphrologie pédiatrique et depuis quelques années au côté de l’association « SHU typique – Sortons du silence » , nous militons pour que ces mesures simples figurent clairement dans les carnets de santé, dans les PMI, les salles d’attente… J’espère que cette actualité permettra enfin d’avancer. J’ajoute que ces conseils valent aussi pour les personnes immunodéprimées et âgées.

Cette maladie peut également toucher d’autres organes que les reins, comme le cœur et le cerveau

Pourquoi les enfants et les personnes vulnérables sont-ils plus à risque ?

Leur tube digestif est plus fragile. Cela facilite le passage dans le sang des toxines libérées par la bactérie E. coli. Cela commence par des symptômes de gastro-entérite. Puis quelques jours après, ils développent une insuffisance rénale aiguë, une anémie, une thrombopénie (insuffisance de plaquettes dans le sang). Cette maladie peut également toucher d’autres organes que les reins, comme le cœur et le cerveau. Les enfants que nous avons reçus au CHU ces dernières semaines ont tous été transfusés et la plupart ont été dialysés. Après la phase aiguë, environ 30% des enfants vont garder des séquelles ce qui représente 40 à 45 enfants par an en France. Ces séquelles sont le plus souvent rénales (hypertension artérielle, protéines dans les urines, insuffisance rénale chronique) mais peuvent parfois être également neurologiques si le cerveau a été touché à la phase aiguë (épilepsie, handicap moteur ou mental). Les séquelles rénales peuvent s’exprimer d’emblée, mais parfois cinq, dix, voire vingt ans après et ces enfants auront besoin d’un suivi néphrologique à vie. Si nous pouvons éviter quelques cas chaque année, ce sera un grand progrès.

Source : lejdd.fr

actusantemag

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