L’endométriose au boulot : quand les règles se transforment en véritable calvaire

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Douleurs pelviennes, règles abondantes, mal de dos… L’endométriose complique la vie d’une femme sur dix en France. Elle vient d’être reconnue affection longue durée (ALD) et fait l’objet d’une campagne de lutte nationale. Des femmes atteintes par cette maladie complexe nous racontent leur quotidien au travail.

C’est officiel : l’endométriose est reconnue comme affection longue durée (ALD) depuis le 13 janvier. Deux jours plus tôt, Emmanuel Macron dévoilait une « stratégie nationale » pour lutter contre cette maladie dont on a commencé à prononcer le nom que tout récemment, bien qu’elle ait toujours existé.

Tabou , car liée à l’intimité féminine et surtout, aux règles, l’endométriose est due à l’implantation de cellules d’endomètre en dehors de la cavité utérine, ainsi susceptibles de s’accrocher à des organes comme les ovaires, l’intestin, la vessie, etc. Résultat : des douleurs intenses et chroniques peuvent irradier tout le corps, et mener à diverses opérations, voire au retrait complet de l’utérus.

« Ma résistance à la douleur est devenue énorme »

Laura, 28 ans, a été diagnostiquée en juin 2019. Quelques mois plus tard, elle démarrait sa carrière de majordome en hôtel. Habituée à vivre avec des crises de douleurs aiguës, elle raconte : « Je me dis toujours que je vais arriver à les surmonter, car la douleur vient progressivement, et parfois, finit par redescendre ». Dans un quotidien au service des clients, toujours sur le qui-vive, comment continuer à travailler ? « Tu es tellement dans l’adrénaline, que tu ne ressens même plus la souffrance. Tu peux me voir servir, alors que j’ai très mal… mais je fais illusion. Ma résistance est devenue énorme », explique-t-elle.

Seulement parfois, un certain seuil de tolérance est atteint : « il m’est arrivé une fois de devoir planter mon équipe deux heures avant un évènement très important, parce que j’avais vraiment trop mal. J’ai ensuite été arrêtée une semaine », se souvient la jeune femme.

10 % des femmes concernées

Largement sous-diagnostiquée, et ensevelie sous les fausses croyances (« c’est normal d’avoir mal quand on a ses règles ! »), cette pathologie touche près de 10 % des femmes. Il y a forcément une de vos collègues qui est concernée… et qui sera heureuse que le statut d’ALD lui soit enfin reconnu.

Cette reconnaissance ouvre aux malades des droits comme la prise en charge à 100 % par l’Assurance-maladie et facilite certains aménagements de travail (notamment pour se rendre à des rendez-vous médicaux) de même que les arrêts maladie en réduisant le délai de carence qui n’est plus retenu que pour le premier arrêt de travail pendant 3 ans, selon le texte voté à l’Assemblée.

Comment gérer l’endométriose au boulot ? Comme Laura, de nombreuses femmes ont répondu à notre appel à témoigner sur les réseaux sociaux. Elles rappellent que si la douleur est permanente, elle culmine souvent au moment des règles.

Pour Marine, orthophoniste à Bruxelles, cela se traduit par de fortes douleurs au dos et au bas du ventre. « J’ai la chance d’être en libéral, ce qui me permet d’anticiper. Si mes règles arrivent le jeudi, je ne travaille pas du jeudi au dimanche », détaille-t-elle. Ce qui signifie forcément une perte de revenus pour la jeune femme, se privant de jours ouvrables à cause de sa maladie.

Les règles au bureau : un calvaire

Au bureau, en horaires classiques, les jours de règles sont sources de stress. Myriam, product owner, craint les longues réunions, qu’elle est obligée de quitter pour aller se changer. Obligée de justifier son besoin de s’absenter face aux collègues, elle raconte : « cela fait rire tout le monde, et la réflexion ‘bah, mets un tampon’ est quasi instantanée », nous écrit-elle.

En outre, les complications liées à l’endométriose sont encore mal connues et peuvent être très handicapantes. Johanna, 28 ans, atteinte d’endométriose profonde digestive, nous a écrit sur Instagram : « Avant mon opération, j’avais des crises telles que je devais rester parfois plusieurs heures à me vider aux toilettes. Je vous laisse imaginer quand vous êtes au travail… Les hémorragies pouvaient aussi survenir d’un coup ».

De rares entreprises ont opté pour la création d’un congé menstruel. Ce recours n’existe aujourd’hui que dans peu de pays, comme au Japon, depuis 1947… mais très peu utilisé ; ou encore vécu comme stigmatisant en Corée du Sud. En France, il n’existe pas, mais en avril 2021, une société coopérative de Montpellier, l’a instauré pour la première fois, après qu’un questionnaire anonyme a révélé que 9 salariées sur 16 avaient des règles douloureuses.

Cette société montpelliéraine fait figure d’exception dans son souci du bien-être féminin. La plupart du temps, l’incompréhension des autres est quasi-systématique. Laura, par exemple, n’avait révélé sa maladie qu’à une des managers de l’hôtel, une femme : « aux hommes, je ne disais rien. Cela m’aurait demandé trop d’énergie de leur expliquer, car messieurs ne comprennent pas de quoi je parle ». Pour Johanna, au contraire, ce sont les femmes qui étaient le plus critiques : « celles qui n’ont pas l’endométriose se lâchent sur les réflexions du genre ‘moi aussi j’ai mes règles et je ne me plains pas comme ça’ ».

Passant pour des « chochottes », ou de mauvaise foi, les victimes d’endométriose sont, bien au contraire, très résistantes à la douleur. A elles, pourtant, de se débrouiller avec un supérieur peu compréhensif… ou même de culpabiliser de devoir s’absenter, tant la méconnaissance de cette maladie fait qu’on en minimise les effets.

« L’endométriose, c’est une charge mentale permanente »

L’endométriose est donc désormais reconnue comme « une maladie dont la gravité et/ou le caractère chronique nécessite un traitement prolongé et particulièrement coûteux », après un vote unanime de l’Assemblée Nationale. Kiné, ostéopathie, acupuncture, naturopathie… divers soins permettent d’atténuer la douleur, en participant à améliorer l’hygiène de vie de la patiente.

« En fait, c’est une charge mentale permanente. Il faut avoir une routine anti-inflammatoire : un bon sommeil et un régime spécial, avec repas à heures fixes », explique Laura. Aujourd’hui office manager, elle a des horaires réguliers qui lui facilitent la prise d’un traitement à heures très fixes. 

Cependant, elle reviendra au métier de majordome : « je ne veux pas que l’endométriose influe sur ma vie », souligne-t-elle. Même détermination chez Marine, notre orthophoniste : « j’ai décidé qu’il était hors de question que cette maladie me limite ».

Source : lesechos.fr

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