Chirurgie chez un diabétique, contrôler la glycémie !

Une hyperglycémie en période périopératoire est associée à plusieurs complications possibles : infection de la plaie opératoire, pneumonie, sepsis ou accident cardiovasculaire… Certaines données suggèrent qu’un contrôle glycémique satisfaisant est bénéfique en termes de réduction de la mortalité postopératoire, de la durée d’hospitalisation et de la survenue d’accidents cardiovasculaires, notamment cérébraux. Il existe déjà des recommandations portant sur le contrôle glycémique en période péri-opératoire mais elles sont, souvent, insuffisamment détaillées. Dans une mise à jour récente parue dans le JAMA, V Simha et P Shah ( Division of Endocrinology, Diabetes and Metabolism, Mayo Clinic, Rochester ) exposent une approche facile à mettre en œuvre pour une prise en charge à la fois efficace et sans danger de l’hyperglycémie péri-opératoire.
Ajourner l’intervention si l’HbA1c dépasse 8 %
Le bilan préopératoire doit comporter impérativement une mesure de l’hémoglobine A1c (HbA1c) chez tous les diabétiques, un taux élevé étant associé à un risque accru de complications postopératoires même si on manque de preuves pour affirmer qu’un ajournement temporaire de l’intervention est alors justifié. En fait, c’est le contrôle de la glycémie en péri-opératoire, plus que l’HbA1c de départ, qui influe sur le devenir postopératoire. En pratique toutefois, il paraît raisonnable de retarder la date d’un acte chirurgical électif quand l’HbA1c dépasse 8 % ou qu’il existe une hyperglycémie sévère, au-delà de 250 mg/dL, avec ou sans décompensation métabolique.
En période péri-opératoire, on doit, chez tout diabétique, vérifier le traitement pharmacologique et donner, par écrit, des instructions visant à « l’ajuster » la veille et le matin de l’intervention. En général, le jour précédant l’acte chirurgical, les futurs opérés peuvent continuer leur traitement habituel, y compris la metformine. Le risque, à propos de cette molécule, de voir survenir une acidose métabolique est de fait largement infondé. Le seul traitement qui nécessite un ajustement la veille de l’intervention est la prise d’insuline basale de longue durée d’action (glargagine, detemir et degludec) administrée le soir.
Les patients nécessitant de fortes doses (avec une proportion de > 60 % de la dose d’insuline journalière) se doivent alors de réduire leur posologie de 50 %, voire 75 % en cas de dénutrition, d’insuffisance hépatique ou rénale qui majorent, en elles-mêmes le risque d’hypoglycémie.
Une récente étude observationnelle parue en 2017 dans le Journal of Clinical Anesthesia rapporte que, chez des diabétiques de type 2, la dose optimale d’insuline de base à administrer le matin avant une chirurgie est d’environ 75 % de la dose habituelle.
Ajuster l’insulinothérapie
Le jour de l’intervention, chez les diabétiques de type 1, il est fondamental de ne pas suspendre l’insulinothérapie afin de prévenir la survenue d’une acido-cétose diabétique. Aucun ajustement n’est nécessaire de la dose d’insuline de longue durée d’action, si celle-ci était précédemment appropriée, sans survenue d’hypoglycémie durant un jeûne prolongé. Chez les diabétiques de type 2, il est, en règle générale, recommandé d’apporter la moitié de la dose d’insuline basale le matin de l’intervention. De la même façon, les doses d’insuline à action intermédiaire (insuline NPH) doivent être réduites de moitié car elles servent à couvrir le repas de midi, le plus souvent annulé le jour de l’opération. Toutes les insulines prandiales à courte durée d’action doivent être arrêtées jusqu’ à ce que l’opéré puisse reprendre un apport alimentaire oral. Il en va de même pour les autres anti diabétiques non insuliniques. Chez les patients traités habituellement par préparations d’insuline prémélangées et qui ont, ainsi, un bon contrôle glycémique à jeun, la moitié de la dose doit être administrée sous forme d’insuline intermédiaire (NPH). En outre, si, chez ces diabétiques, il existe une hyperglycémie notable, > 200 mg/dL, il importe d’administrer, avant chirurgie, la moitié de la dose matinale d’insuline prémélangée.
En cas d’intervention le matin, le taux de la glycémie, l’heure d’administration et la posologie des derniers anti diabétiques administrés doivent être notés. Une possible hypoglycémie (< 70 mg/dL) doit être traitée par apports glucidiques si l’alimentation ou les boissons sont impossibles. Pour les malades sous insuline ou sulfonylurées, il est préférable que la glycémie soit supérieure à 100 mg/dL quand l’intervention démarre. Si le taux dépasse alors 180 mg/dL, une dose supplémentaire d’insuline d’action rapide est préconisée. Le recours à une perfusion d’insuline par voie intra veineuse se justifie lors de conditions particulières, telles qu’hyperglycémie majeure ou intervention de longue durée chez un diabétique de type 1. Il est important de prévoir, si nécessaire, l’apport, en correction, d’une dose complémentaire d’insuline sous cutanée éventuelle ou d’ajuster la vitesse d’infusion de l’insuline.
Dans la mesure du possible, une intervention chirurgicale chez un patient diabétique doit être programmée tôt dans la matinée, afin de limiter la période de jeûne. En cas d’impossibilité, l’insuline de base et une dose corrective additionnelle doivent être administrées, selon les modalités précédemment décrites et on doit veiller à un apport alimentaire si le patient est autorisé à manger.
Maintenir la glycémie à moins de 180 mg/dL en cours d’intervention
En cours d’intervention, l’hyperglycémie est délétère mais l’intérêt d’un contrôle strict du taux de sucre reste incertain. Un essai randomisé d’insulinothérapie intensive visant à maintenir, en per opératoire, une glycémie comprise entre 80 et 100 mg/dL n’a pas modifiée favorablement le nombre de complications postopératoires et a pu même sembler dangereux. Il est, durant la chirurgie, préférable de maintenir la glycémie à moins de 180 mg/dL, sans risquer d’hypoglycémie. Cet objectif peut être atteint grâce à l’administration d’une dose supplémentaire d’insuline d’action rapide sous cutanée toutes les 2 heures ou par perfusion IV d’insuline en continu, avec monitorage de la glycémie toutes les 1 à 2 heures.
En salle de réveil, on doit procéder à un nouveau dosage de la glycémie et revoir les apports insuliniques. Une administration IV continue peut-être poursuivie chez des patients qui en avaient bénéficié en peropératoire ou l’on peut débuter des injections sous cutanées en cas de contrôle insuffisant. En effet, une insulinothérapie intensive dans la période post opératoire a été associée à un risque moindre d’infections et à une baisse de la morbimortalité, l’idéal de la cible glycémique à atteindre étant, toutefois mal précisée, se situant probablement entre 100 et 140 mg/dL, avec des oscillations acceptables entre 100 et 180 mg/dL. Un régime d’insuline de base est, durant cette phase, plus efficace qu’un apport insulinique correctif, à la demande, selon une échelle de gradation et doit être envisagé dès que la reprise de l’alimentation orale est autorisée.
En période périopératoire, une insulinothérapie sous cutanée, en continu, avec l’aide d’une pompe à insuline dont le site ne doit pas être masqué par le champ opératoire, avec ou sans lecteur de glycémie, est de plus en plus utilisée. Cette technique peut être utile pour administrer l’insuline basale dans des conditions appropriées, chez des patients dont l’acte chirurgical est relativement bref (>2 heures), sans détérioration hémodynamique, capables de récupération rapide. La réduction des posologies est alors identique à celles décrites plus haut.
En conclusion, l’hyperglycémie représente un risque significatif chez les patients chirurgicaux et doit être traitée efficacement dans le but d’améliorer le devenir postopératoire. Il est ainsi nécessaire de mettre en place un programme exhaustif, allant de l’évaluation pré opératoire à la prise en charge per et post opératoire, suivies d’indications précises pour l’arrêt des traitements.
Source : jim.fr