Des recommandations pour traiter les hémorragies digestives hautes
Les hémorragies digestives hautes (HDH) restent fréquentes bien que leur incidence annuelle ait baissé de 78 à 61/100 000 entre 2001 et 2009. La mortalité à 30 jours demeure élevée, pouvant culminer à 11 %. Ces dernières années, la prise en charge des HDH a changé grâce à de nouvelles techniques d’endoscopie. En contrepartie, l’utilisation plus large des anti coagulants et/ou antiagrégants a majoré le risque d’HDD.
Actualisant de précédentes recommandations datant de 2010, le Groupe International de Consensus (GIC) a émis, récemment, de nouvelles préconisations. Il s’est basé sur une recherche systématique, dans les principales banques de données informatiques, des publications en langue anglaise, faites jusqu’au 2 Avril 2018. Les membres du GIC ont tenté de répondre à plusieurs questions clé, suivant la méthodologie PICO. Deux experts ont analysé, dans ce but, la qualité des études et revues systématiques sélectionnées et en ont quantifié la valeur des preuves, selon l’approche GRADE. En dernier lieu, pour chacune des questions retenues, les membres du GIC, tous spécialistes de diverses origines et de 11 pays différents, ont procédé à un vote et déterminé le caractère absolu ou conditionnel de leurs recommandations. Le consensus était acquis quand 78 % au moins des votants s’étaient prononcés pour, ou contre, une mesure à prendre.
Le premier chapitre a abordé la prise en charge pré endoscopique. La première mesure, en cas d’HDH, est de déterminer si un remplissage volémique est nécessaire afin de contrer un éventuel choc hémorragique et de restaurer la perfusion tissulaire. Des incertitudes persistent sur la nature cristalloïde ou colloïde du fluide à utiliser. Une revue regroupant 70 essais cliniques randomisés n’a pu retrouver de différence de mortalité selon l’utilisation de l’une ou de l’autre de ces solutions de remplissage. Du fait du prix plus élevé des colloïdes, le GIC se prononce pour l’utilisation préférentielle des cristalloïdes. Un essai clinique récent, ayant inclus 15 802 patients en soins intensifs, a noté une moindre incidence de l’insuffisance rénale aiguë et de la mortalité avec l’emploi de solutions équilibrées, telles le Ringer lactate,
vs le sérum physiologique. Quant à l’intensité du remplissage nécessaire, le GIC n’a pu trouver aucun argument en faveur d’une réanimation seulement « modeste », ne visant pas la normo tension. Dans cette prise en charge pré endoscopique, le GIC suggère d’utiliser un score Glascow Blatelford égal ou inférieur à 1 pour identifier les patients à très faible risque, pouvant ne pas être hospitalisés (recommandation de faible niveau de preuves, vote des participants : 76 % de pour, 18 % d’abstention et 6 % de contre). A contrario, il n’est pas proposé par le GIC d’utiliser le score pronostique AIM 65. Au plan pratique,la pose d’une sonde naso gastrique est recommandée car pouvant fournir des renseignements permettant d’évaluer la gravité de l’HDH. Chez les patients sans pathologie cardiovasculaire, il est recommandé de transfuser quand le taux d’hémoglobine chute à moins de 80 g/L (recommandation faible, vote PICO : pour 75 %, neutre 15 %, contre 10 %). Par contre, le seuil doit être plus haut en cas de pathologie cardiovasculaire concomitante (recommandation faible, vote en faveur : 80 %). Dans le cas spécifique des patients sous anticoagulants (anti vitamine K ou ACO), il est suggéré de ne pas retarder l’endoscopie, avec ou sans traitement hémostatique (recommandation faible, vote en faveur : 100 %). L’utilisation de pro kinétiques n’est pas systématique. Les patients à faible risque de resaignement sur les données cliniques et endoscopiques peuvent quitter rapidement l’hôpital après l’endoscopie. Enfin, un traitement par inhibiteurs de la pompe à proton (IPP) est possible en pré endoscopie mais ne doit pas retarder sa réalisation.
L’endoscopie dans les premières 24 heures
Le second chapitre concerne la pratique même de l’endoscopie. Pour tous les patients hospitalisés pour HDH, celle-ci doit être précoce, dans les premières 24 heures suivant l’admission (recommandation conditionnelle, niveau de preuve très faible). Toutefois, chez les patients à bas risque, 2 revues systématiques n’ont montré aucune différence dans la mortalité ou le risque de resaignement selon la précocité du geste endoscopique mais un geste rapide peut être à même de réduire la durée de séjour et donc les coûts. Chez les malades porteurs d’un ulcère hémorragique à haut risque (présence d’un saignement actif ou vaisseau visible), il est recommandé de pratiquer un traitement per endoscopique par thermo coagulation ou injection sclérosante (recommandation forte, niveau de preuve faible). La pose de clips est aussi envisageable (recommandation conditionnelle, niveau de preuve très bas).
Aucune différence n’a été décelée entre les 3 technique qui peuvent d’ailleurs être associées. Le site du saignement et les caractéristiques du patient sont de éléments qui interviennent dans le choix de l’une ou l’autre des techniques utilisables. Chez les patients avec ulcère hémorragique actif, le recours au TC-325 est possible. Il s’agit d’un spray d’une poudre hémostatique qui adhère uniquement au niveau des zones hémorragiques. Il ne doit jamais être utilisé isolément mais peut conduire à un arrêt temporaire du saignement (recommandation conditionnelle, niveau de preuve très faible). Dans un essai, il a démontré une efficacité immédiate de plus de 90 % mais avec un risque de resaignement de 19 % à la 72e heure et de 22 % au 7e jour. Chez les patients avec ulcère hémorragique traité par voie endoscopique, le GIC n’émet aucune recommandation sur un contrôle possible par doppler endoscopique afin de quantifier le besoin d’un traitement complémentaire (preuve très faible). De fait, son efficacité semble limitée et de nombreux centres ne disposent pas de cette technique.
Le chapitre suivant aborde les traitements pharmacologiques. Pour les patients souffrant d’un ulcère hémorragique à haut risque, saignement actif ou caillot adhérent par exemple, après traitement endoscopique efficace, il est préconisé d’utiliser une dose de charge intraveineuse, suivie d’une perfusion continue d’un IPP. Il s’agit là d’une recommandation forte, avec un niveau de preuve modéré. Le GIC ne se prononce pas sur l’utilisation éventuelle de très fortes doses, 80 mg en bolus, puis 8 mg/h durant 72 h (niveau de preuve très faible). Il est à remarquer que peu d’études ont abordé les effets secondaires possibles de cette classe thérapeutique. Ultérieurement, le traitement doit être poursuivi pendant 14 jours per os, soit de façon biquotidienne, soit une fois par jour (recommandation conditionnelle, niveau de preuve très bas).
Intérêt d’une prophylaxie secondaire
Dernier point abordé par le GIC : celui de la prophylaxie secondaire. Pour les patients ayant souffert d’un ulcère hémorragique et sous traitement anti plaquettaire simple ou double pour pathologie cardiovasculaire, il est conseillé de recourir à un traitement par IPP (recommandation conditionnelle, niveau de preuve de faible qualité). Cette préconisation repose sur la base de 5 essais cliniques, tous menés à Hong Kong. Elle a été confortée par les résultats d’une méta analyse de 4 essais cliniques (n = 4805) qui, en cas de double prophylaxie par aspirine/clopidogrel, a fait la preuve, sous IPP, d’une diminution des récidives hémorragiques, sans retentissement sur la mortalité ou le risque de nécrose myocardique. On doit remarquer que, dans la plupart des travaux, les patients avaient présenté une infection à Helicobacter pylori qui avait été totalement éradiquée. Le GIC suggère d’ailleurs qu’il est possible, chez certains malades, que la seule éradication d’ Helicobacter soit suffisante. En cas d’antécédent d’HDH d’origine ulcéreuse et nécessité, à titre prophylactique, du maintien d’une anti coagulation, il est préconisé, vs l’absence de traitement, de maintenir les IPP (recommandation d’usage, niveau de preuve très minime). Dans de telles situations, le bénéfice secondaire de la prise d’IPP est de loin supérieur aux risques potentiels : pneumonies acquises, fracture de hanche, infections digestives,…
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