Le bépirovirsen : un espoir de guérison dans l’hépatite chronique B ?

Le bépirovirsen : un espoir de guérison dans l’hépatite chronique B ?

L’infection chronique par le virus de l’hépatite B (VHB) touche 4 % de la population mondiale : elle est responsable de plus d’un demi-million de décès par an. En France, l’hépatite chronique B concerne plus de 135 000 personnes dans la population des 18-75 ans en France métropolitaine. L’objectif du traitement est d’obtenir une guérison fonctionnelle, c’est-à-dire une perte à long terme de l’AgHBs, avec ou sansapparition d’AC anti-HBs et un ADN du VHB indétectable après l’arrêt du traitement.

Si le traitement antiviral permet d’espérer une guérison dans le cas des infections virales C, une telle évolution reste exceptionnelle avec le VHB, en raison notamment de la très longue persistance de l’ADN circulaire super-enroulé (ou ADNccc) intra-hépatique et des formes intégrées d’ADN viral dans l’ADN chromosomique de l’hôte.

Ceux-ci participent d’une part aux risques de réactivation et, d’autre part à  

l’hépato-carcinogénèse virale directe. Malgré une viro-suppression prolongée par les analogues nucléosidiques ou nucléotidiques (AN) qui agissent sur la transcriptase inverse virale, seuls 5 % des patients présentent une perte d’AgHBs après 12 mois de traitement, soulignant le besoin de traitements capables d’obtenir une guérison fonctionnelle.

En effet, la réduction significative et surtout l’arrêt de la multiplication virale sont corrélées à un arrêt de l’activité nécrotico- inflammatoire aboutissant à une stabilisation puis d’une réduction de la fibrose hépatique. Le bépirovirsen est un oligonucléotide antisens qui cible tous les ARN messagers et l’ARN prégénomique du virus du VHB et semblait prometteur, dans les premières expérimentations, pour obtenir ce type de guérison à long terme.

Perte prolongée de l’AgHBs et de l’ADN du VHB pour 9 à 10 % des participants recevant le bépirovirsen

Un essai multicentrique de phase 2b, randomisé, sans insu, a impliqué 457 malades atteints d’une infection chronique par le VHB dont 227 recevaient des AN depuis au moins 6 mois, avec un taux d’AgHBs >100 UI/mL. Ils pouvaient être traités par AN (ADN-VHB < 90 UI/mL, ALAT ≤ 2 fois la normale) ou ne pas être traités par AN (naïf ou arrêt depuis au moins 6 mois, ADN-VHB > 2000 UI/mL, ALAT ≤ 3 fois la normale).

Ces patients ont été randomisés entre des administrations SC hebdomadaires de (1) bépirovirsen 300 mg de S0 à S24, (2) bépirovirsen 300 mg de S0 à S12 puis 150 mg de S12 à S24, (3) bépirovirsen 300 mg de S0 à S12 puis placebo de S12 à S24, (4) placebo de S0 à S12 puis bépirovirsen 300 mg de S12 à S24, après doses de charge à J4 et J11. Le suivi a été mené́ jusqu’à̀ la 55e semaine.

Parmi les patients sous AN, ceux qui avaient un taux d’AgHBs et une virémie indétectable 24 semaines après la fin du traitement antisens (critère composite d’efficacité́) sans aucune nouvelle médication antivirale, représentaient 9 % dans chacun des groupes de traitement 1 et 2 et seulement 3 % dans le groupe 3 contre aucun dans le groupe 4.

Parmi les patients qui n’étaient pas sous analogues, le critère composite a été respectivement observé chez 10 %, 6 %, 1 % et 0 % de chacun de ces groupes. Lorsque des augmentations ponctuelles du taux d’AgHBs ou de l’ADN-VHB au-dessus de la limite de quantification (ou blips) étaient autorisées, le critère principal était vérifié dans 10 % et 14 % des groupes traités ou non par AN. Au cours des semaines 1 à 12, les événements indésirables, y compris les réactions au site d’injection, la fièvre, la fatigue et l’augmentation des taux d’ALAT, étaient plus fréquents avec le bépirovirsen qu’avec le placebo.

Besoin d’une guérison fonctionnelle

Le traitement de l’infection chronique par le VHB repose actuellement sur l’utilisation de l’entécavir ou du fumarate de ténofovir disoproxil, deux AN disponibles par voie orale, dotés d’une activité puissante contre le VHB, d’une barrière importante contre la résistance antivirale et d’un profil d’effets secondaires acceptable. Ces médicaments permettent un traitement au long cours avec une suppression virale soutenue, des améliorations des taux sériques d’ALAT et, finalement, une évolution moins fréquente vers la cirrhose et le cancer primitif du foie.

De nouvelles approches thérapeutiques sont cependant nécessaires en raison de la complexité de la réplication du VHB et de sa capacité à persister malgré une viro-suppression profonde. Ainsi, même avec la clairance de l’ADN sérique du VHB et de l’antigène e de l’hépatite B (AgHBe), le squelette réplicatif du VHB (ADNccc) peut persister dans les hépatocytes, protégé dans un micro-chromosome.

La plupart des patients qui reçoivent des AN restent positifs pour l’AgHBs et sont à risque de rechute pouvant être grave voire mortelle en cas de cirrhose sous-jacente si le traitement est arrêté. On attend donc un traitement qui conduirait à l’élimination à la fois de l’ADN du VHB et de l’AgHBs et permettrait l’arrêt du traitement sans risque de rechute, un point final connu sous le nom de guérison « fonctionnelle ».

Les résultats de cette nouvelle approche thérapeutique sont décrits dans cette étude récente du bépirovirsen qui intervient dans la synthèse des antigènes du VHB ainsi que l’ARN prégénomique et reste l’intermédiaire nécessaire par lequel l’ADNccc du VHB se réplique. La conception complexe de ce travail est difficile à interpréter : seuls 6 % des patients ont répondu sous traitement antisens.

L’incidence de la réponse était plus élevée avec 24 semaines de traitement par le bépirovirsen qu’avec 12 semaines de traitement (8,4 % contre 1,6 %), et celle-çi était similaire parmi ceux recevant des AN et ceux n’en recevant pas (respectivement 6,2 % et 5,2 %). Enfin, parmi les participants recevant 300 mg par semaine pendant 6 mois et qui présentaient des niveaux inférieurs d’AgHBs au départ (≤ 3 000 UI/mL), l’incidence de la réponse était de 19 %, contre seulement 7 % de ceux qui avaient des niveaux de base plus élevés.

Nécessité d’autres essais avec de vrais groupes placebo

D’autres essais sur cet oligonucléotide antisens doivent inclure de vrais groupes placebo, non seulement pour prouver l’efficacité, mais aussi pour mieux définir l’innocuité. L’évènement indésirable le plus préoccupant était l’augmentation des ALAT, qui était plus fréquente chez les patients ne recevant pas d’AN que chez ceux qui en recevaient (41 % contre 17 %).

Deux cas graves d’hépatite aiguë entraînant une hospitalisation sont survenus chez des participants ne recevant pas d’AN, suggérant que le bépirovirsen devrait être systématiquement associé à un traitement par AN. Il reste encore à déterminer si la négativité de l’AgHBs persiste au-delà de 24 semaines, si on peut secondairement arrêter les AN sans risque de rebond, s’il existe des facteurs prédictifs de réponse et enfin si cette « guérison fonctionnelle » va améliorer sensiblement les résultats à long terme.

Le bépirovirsen n’est également qu’un des traitements en expérimentation contre le VHB. Plusieurs autres ARN antisens ainsi que les petites molécules d’ARN interférents plus malléables font actuellement l’objet d’essais cliniques de phase I et IIa.

En conclusion, dans cet essai de phase 2b, le bépirovirsen à une dose de 300 mg par semaine pendant 24 semaines a entraîné une perte prolongée de l’AgHBs et de l’ADN du VHB chez 9 à 10 % des participants atteints d’une infection virale chronique. Des essais plus vastes et plus longs sont nécessaires pour évaluer l’efficacité et l’innocuité de ce nouvel oligonucléotide antisens dans cette affection hétérogène avec une guérison fonctionnelle du VHB . Celle-ci ne pourra pas être facilement atteinte en seulement quelques semaines ou mois de traitement et avec les classes de composés qui sont actuellement en développement.

Source : JIM

actusantemag

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