Nous savons maintenant comment les molécules d’ARN s’organisent dans les cellules
Nous savons maintenant comment les molécules d’ARN s’organisent dans les cellules
En collaborant avec des collègues américains, une équipe de l’Université de Montréal a, pour la première fois, pu observer comment les molécules d’ARN s’organisent à l’intérieur des cellules. Dans leurs travaux publiés aujourd’hui dans Molecular Cell, les chercheurs de l’UdeM ont utilisé la microscopie à superrésolution pour comprendre la manière dont l’organisation en trois dimensions d’une molécule d’ARN est influencée par sa position dans la cellule, revisitant ainsi un dogme vieux de plusieurs décennies.
«Le flot d’informations allant de l’ADN vers les protéines implique que l’ADN est copié sous la forme d’une molécule appelée ARN messager qui servira de modèle à la synthèse des protéines, explique le directeur des travaux et professeur du Département de biochimie et médecine moléculaire de l’Université de Montréal,
Daniel Zenklusen. Exactement comme l’ADN, l’ARN est un long polymère composé d’acides nucléiques. En revanche, la façon dont les polymères d’ARN sont organisés et compactés pour permettre la synthèse des protéines est restée inconnue jusqu’à présent, principalement en raison des limitations techniques de visualisation à haute résolution de ces molécules.»
Longtemps on a considéré que toutes les molécules d’ARN messager, ou ARNm, prenaient une conformation particulière au cours de la synthèse des protéines, opération pendant laquelle les deux extrémités de la molécule d’ARN se rejoignaient pour former un complexe dit «à boucle fermée stable».
Cependant, cette nouvelle étude montre que ce modèle est trop simpliste. «Nous avons observé que les ARN messagers existent en de nombreuses configurations dans les cellules, mais rarement dans la conformation à boucle fermée stable, contrairement à ce qui a été proposé jusqu’ici, déclare Srivathsan Adivarahan, doctorant au laboratoire du D Zenklusen et premier auteur de l’étude. Cela a été d’autant plus surprenant pour nous que ce modèle de boucle fermée se trouve dans tous les manuels décrivant les processus essentiels de la synthèse des protéines.»
De nombreuses configurations
En collaboration avec les laboratoires de la D Olivia Rissland, de l’Université du Colorado à Denver, et du D Bin Wu, de l’Université Johns Hopkins à Baltimore, les scientifiques de l’UdeM ont découvert que les ARN messagers peuvent exister dans de nombreuses configurations, mais principalement sous forme de molécules très compactes. Cela est particulièrement vrai lorsque la synthèse des protéines est inhibée ou que les ARN messagers sont séquestrés dans des compartiments subcellulaires tels que des granules de stress, compartiments analogues aux agrégats pathologiques rencontrés dans de nombreuses maladies neurodégénératives.
«Nos résultats changent notre façon de comprendre de nombreux aspects du métabolisme de l’ARN messager, et en particulier celle dont il s’organise pendant la synthèse des protéines, indique le D Zenklusen. La régulation de ce processus est essentielle pour toutes les cellules, mais elle est surtout importante dans une cellule cancéreuse, qui requiert des niveaux élevés de synthèse protéique pour s’assurer une prolifération continue. Parmi les médicaments en cours de mise au point agissant sur la synthèse des protéines, certains ciblent des protéines présentes dans le modèle en boucle fermée. Cependant, à la lumière des découvertes de nos équipes, qui réfutent le modèle en boucle fermée, on comprend que les mécanismes proposés pour expliquer comment ces médicaments altèrent la synthèse des protéines doivent être réexaminés.»
«Cette dernière étude illustre également l’importance de la science fondamentale et la nécessité de concevoir en permanence de nouvelles technologies, ajoute-t-il. Les progrès technologiques nous permettent de nous pencher sur des questions que nous pensions résolues depuis longtemps et de réaliser, une fois que nous les avons regardées sous un angle nouveau, que nous étions loin de les avoir cernées réellement.»
Le laboratoire du D Zenklusen travaillera donc à faire progresser les approches technologiques ayant permis ces découvertes ‒ la microscopie à molécule unique et la microscopie à superrésolution ‒ afin de mieux comprendre les mécanismes régissant l’expression des gènes ainsi que les causes et conséquences de ses dérégulations dans diverses maladies.
Source : nouvelles.umontreal.ca