Alerte santé en vue ? Ces champignons qui résistent désormais aux traitements antifongiques
Alerte santé en vue ? Ces champignons qui résistent désormais aux traitements antifongiques
Une étude britannique tire la sonnette d’alarme : les champignons s’adapte de mieux en mieux aux antifongiques !
Atlantico : De la même manière que certaines bactéries deviendraient résistantes aux antibiotiques, certains champignons pourraient devenir incurables. Selon des recherches menées par le Collège de Londres et l’Université d’Exeter, des précautions devraient être prises quant à la surutilisation des traitements antifongiques dans les domaines agricoles et médicaux, ceux-ci tendant à perdre en efficacité. Quelle est la réalité de la situation à ce jour ?
Stéphane Gayet : Il s’agit ici de champignons microscopiques (CM) qui se développent à la manière des bactéries, mais appartiennent contrairement à elles au règne végétal. Comme elles, ils forment des colonies, d’abord microscopiques ou micro colonies, qui deviennent ensuite visibles dans certaines conditions. Au sein de cet ensemble hétérogène des CM, on trouve les levures (par exemple, les candida) et les moisissures (par exemple, les aspergillus). Les CM sont omniprésents. Ils peuvent être nuisibles en agriculture et se montrer pathogènes en médecine humaine et vétérinaire.
Les substances actives contre les champignons ou fungi sont appelées antifongiques, à l’instar des substances antibiotiques actives contre les bactéries. Les antifongiques sont utilisés en agriculture, ainsi qu’en médecine humaine et vétérinaire. Tout comme les bactéries qui développent de plus en plus de résistances aux antibiotiques, les CM deviennent également résistants aux antifongiques. Comme avec les antibiotiques, c’est bien sûr l’utilisation intense des antifongiques qui fait apparaître les résistances des CM. Mais, à la grande différence des résistances aux antibiotiques, on entend peu parler en médecine humaine de la résistance aux antifongiques. Pourquoi ? C’est lié au fait que les infections fongiques ou mycoses sont beaucoup moins fréquentes et préoccupantes que les infections bactériennes en pathologie humaine.
En pathologie humaine : d’un côté, il y a les mycoses superficielles ou dermatologiques qui sont bénignes et touchent les ongles, la peau pileuse, la peau glabre (c’est-à-dire en dehors des poils et cheveux) et les muqueuses des orifices ; de l’autre côté, il y a les mycoses profondes ou systémiques (généralisées) qui sont souvent graves et touchent les poumons, les os, le système nerveux… mais sont très peu fréquentes, étant donné qu’elles ne frappent que les individus sévèrement immunodéprimés (sidéens, sujets atteints d’une forme grave de cancer solide, d’une leucémie ou d’un déficit immunitaire d’autre origine). Aujourd’hui, l’incidence (nombre de nouveaux cas chaque année) des mycoses systémiques augmente et la résistance aux antifongiques devient vraiment préoccupante, mais à moindre degré que la résistance aux antibiotiques. Il est utile de préciser que les antifongiques à usage systémique ont souvent une toxicité nettement supérieure à celle des antibiotiques habituels. Ils sont également particulièrement coûteux.
L’utilisation des antifongiques en agriculture est liée aux dégâts provoqués par les attaques des cultures par divers CM. En fonction de leurs caractéristiques biologiques, ces CM infectent l’un ou l’autre des organes de la plante (racines, tiges, feuilles, fruits) et ces infections peuvent survenir à tous les stades de la culture. Les conséquences de ces maladies sont loin d’être négligeables. Elles entraînent des dégâts divers qui ont toujours des répercussions économiques (depuis la tache sur les fruits qui entraînera un déclassement du produit à vente, jusqu’à de sérieuses pertes de rendement).
La lutte contre ces CM en agriculture passe d’abord par des méthodes préventives (choix de variétés végétales peu sensibles aux maladies, limitation de la contamination primaire par des méthodes d’asepsie) et par une surveillance des cultures potentiellement contaminées. Mais cette lutte contre les CM doit le plus souvent être complétée par l’utilisation de produits antifongiques. Or, cette utilisation est aujourd’hui intense, d’où l’apparition de résistances.
Le niveau de résistance des CM aux antifongiques en agriculture peut être très élevé (exemple du mildiou de la vigne vis-à-vis des strobilurines) ou relativement faible (exemple de certaines souches de septoriose du blé vis-à-vis des triazoles). Une surveillance de ces phénomènes est programmée annuellement par la DGAL (Direction générale de l’alimentation au ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche) et mise en œuvre par l’Anses-Lyon (ou, pour certains thèmes, déléguée à des unités spécialisées de l’INRA). Ces plans de surveillance répondent à la nécessité de contrôler le maintien de l’efficacité des antifongiques autorisés, mais aussi à celle de limiter la dispersion dans l’environnement de ces produits antifongiques. Ce dernier point est en complète adéquation avec le plan Ecophyto 2018 du ministère, qui vise une réduction de 50 % de ces produits en agriculture à l’horizon 2018. Cette surveillance peut déboucher sur des conseils concernant les stratégies de traitement émanant de groupes de travail spécifiques, ou sur la réduction du nombre d’applications autorisées sur la culture des produits en cause, ou bien encore sur le retrait de leur autorisation. Actuellement, ces actions de surveillance prennent de plus en plus d’importance du fait d’une progression des phénomènes de résistance.
La résistance des CM aux antifongiques en médecine humaine constatée au cours de ces dernières années concerne principalement celle d’Aspergillus fumigatus aux azolés et celle des levures du genre Candida au fluconazole et plus récemment aux échinocandines. Cette résistance est un problème indéniable, mais elle est bien loin d’atteindre le niveau de préoccupation qui est celui de la résistance des bactéries aux antibiotiques. En médecine vétérinaire, la résistance aux antifongiques est régulièrement évoquée en cas d’échec thérapeutique, mais en réalité les preuves d’une réelle résistance unic microbiologique en pratique vétérinaire ne sont que rarement apportées.
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